“Les premiers fans d’Iman sont ses frères et sa sœur! Mais cela leur demande aussi beaucoup de suradaptation…”

Publié le 15.06.2023

Interview-enfant

Zakarya et Sarah ont 14 ans et 11 ans. Ils ont un grand frère de 17 ans, Jadallah, ainsi qu’une sœur de 12 ans, Iman, qui est diagnostiquée autiste sévère non-verbale. Dans cet entretien, ils partagent un peu de leur quotidien et croisent leur expérience avec celle de leurs parents Gamila et Sishan. Un témoignage rempli de tolérance et d’affection, qui montre aussi l’équilibre délicat à trouver au sein d’une fratrie pour préserver l’insouciance de l’enfance.

Sarah, Zakarya, comment décririez-vous votre quotidien avec votre sœur, Iman ?

Zakarya : Moi ça ne me dérange pas, je n’ai pas honte de dire que j’ai une sœur autiste. Finalement, je l’ai toujours su ! Même au début, quand j’étais plus petit, je trouvais que ça ne changeait pas grand-chose. Après, j’ai compris que c’était quand même grave.

Ce que j’aime chez elle, c’est qu’elle fait beaucoup de câlins. Par exemple dans la voiture. Elle est joyeuse, elle aime la musique, danser. Mais elle est aussi un peu nerveuse, elle fait des bêtises. Comme hier, elle a vidé tous les shampoings et les gels douche. Elle a fait sa soirée mousse ! Et puis comme elle ne dort pas la nuit, c’est parfois dur de dormir. C’est un hibou ! Elle ne parle pas, mais on se comprend. Elle utilise des signes, des sons. Des fois, on la comprend mieux que les parents !

Sarah : Moi je suis dans la même classe qu’Iman et c’est moi qui l’ai demandé parce que j’aime bien être avec elle. Elle est placée derrière les autres élèves, avec son AVS. De temps en temps, elle fait des bêtises à l’école, par exemple elle jette des choses. Mais elle arrive toujours à se faire pardonner. C’est la chouchoute !

À la maison, on partage la même chambre. C’est vrai, parfois, elle déchire mes dessins. Je dois les mettre à la poubelle, ou alors je les scotche et je les raccroche.

Et j’aime bien lui donner à manger, partager des choses avec elle. L’année prochaine, on ne sera plus dans la même école, car je vais au collège. Ça me fait de la peine.

Ils font face à une responsabilité que les autres enfants n’ont pas. Ils ne peuvent pas avoir la même insouciance que leurs camarades.  

Sishan

Parent

Gamila, Sishan, en tant que parents, quel regard portez-vous sur ces relations entre frères et sœurs ?

Gamila : J’ai l’habitude de dire que les premiers fans d’Iman sont ses frères et sa sœur ! Et c’est vrai qu’ils participent au quotidien, qu’ils ont pleinement conscience de leur rôle auprès d’elle. Ils sont très tolérants. Ils ont compris la situation et l’acceptent. Mais c’est aussi de la suradaptation de leur part et c’est très difficile de rester vigilants à cela. Car derrière, il y a une idée de sacrifice. Forcément, nous donnons plus d’attention à Iman, ce qui doit être le cas de tous les parents d’un enfant handicapé. C’est pour cela que nous apprenons petit à petit à nous organiser différemment pour que ses frères et sa sœur puissent vivre des choses avec un peu de légèreté, comme aller au restaurant, faire une sortie, pourquoi pas un voyage, un parc d’attractions… Mais cela suppose que l’un de nous reste avec Iman. C’est une démarche qui nous a demandé du temps, mais que nous faisons de plus en plus pour leur permettre de vivre aussi leur enfance.

Sishan : Effectivement, ils font face à une responsabilité que les autres enfants n’ont pas. Ils ne peuvent pas avoir la même insouciance que leurs camarades. Par exemple, nous avons déjà parlé avec eux de l’après – ce qu’il se passerait s’il nous arrivait quelque chose. Les sujets de la mort, du relais, du testament, de la responsabilité… ne sont pas des discussions qu’on a normalement à ces âges en famille. Ce sont des notions d’adultes. Et ce n’est pas forcément facile en tant que parents de savoir que nos enfants ne pourront pas avoir la même insouciance que celle que nous avons eue dans notre enfance. Mais ce qui est sûr aussi, c’est qu’ils deviendront des personnes plus tolérantes. Cela se ressent déjà maintenant. Ils ont un autre regard sur le handicap et ils le partagent dès maintenant autour d’eux – à l’école et avec leurs camarades…