Quelles solutions de répit pour les aidants de personnes autistes ?

Publié le 19.04.2022

Répit

De nouvelles offres d’accueil se développent pour fournir aux proches aidants des solutions de répit adaptées à leurs besoins. Cependant, pour les familles vivant avec un enfant ou un adulte autiste, de nombreux freins limitent encore l’accès au répit.

Pour Emilie Cappe, qui a dirigé avec Cyrielle Derguy la publication de l’ouvrage Familles et trouble du spectre de l’autisme, l’accompagnement d’une personne autiste a un impact important sur l’équilibre de vie d’un proche aidant :
Une étude menée en Suède montre que les parents d’enfants autistes passent en moyenne 1 000 heures de plus par an à s’occuper de leurs soins et de leur éducation. Par ailleurs, ils sont plus stressés que les autres parents, y compris ceux d’enfants touchés par d’autres handicaps”.
Au-delà de l’épuisement ressenti par de nombreuses familles, les impacts sur la santé sont réels. Une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), publiée en 2008, révélait ainsi que les aidants “à charge lourde” souffraient notamment de problèmes de dos (69%), de troubles du sommeil (64%), de maladie chronique (55%), d'anxiété et dépression (40%) ainsi que de palpitations et tachycardie (28%). 

Une offre de répit multiforme

Le week-end, le mercredi, pendant les vacances ou afin de disposer de quelques heures de manière ponctuelle et régulière : les besoins de répit sont différents d’une famille à l’autre. Efforts continus pour s’adapter à leur environnement, sollicitations sensorielles et sociales : les personnes autistes elles-mêmes ont besoin de solutions de répit adaptées (lire l’article). Afin de répondre à cette multiplicité de situations, les solutions d’accueil ont évolué ces dernières années pour mieux s’adapter aux différentes réalités.

  • Un accueil à l’extérieur du domicile
    Un accueil en établissement, avec ou sans hébergement, est proposé la journée, le week-end, la nuit ou pour des périodes de plusieurs jours à plusieurs semaines. Des associations organisent également des temps de loisirs adaptés à la situation de la personne aidée.

TED, Paul et les autres : des activités le samedi pour les enfants autistes

Créée à l’initiative d’une famille ayant un enfant autiste, l’association TED, Paul et les autres propose des activités le samedi à destination des jeunes TSA ou touchés par un handicap mental de 12 à 20 ans (voir notre reportage vidéo).

  • Des vacances adaptées
    Des séjours de vacances permettent aux proches aidants, aux personnes avec autisme ou les deux de bénéficier d’un temps de loisirs et de repos hors du domicile. 

Le Village de Fraisse : des séjours de répit pour les familles avec enfants TSA

Installé à Leuc, près de Carcassonne, le Village de Fraisse propose des vacances-répit à destination des personnes autistes, accompagnées de leur famille (parents et fratrie). Ateliers Montessori, médiation par le cheval, parcours sensoriels en pleine nature : les activités sont pensées pour favoriser l’autonomie de vie et la socialisation des enfants autistes. 

  • Une aide à domicile
    Un professionnel ou un bénévole peut intervenir à domicile pour prendre le relais d’un proche pendant quelques heures, voire quelques jours. Cette solution permet à la personne aidée de rester dans un environnement sécurisant, qui lui est familier.

Le baluchonnage, un concept importé du Québec

Encore déployé de façon expérimentale en France, le “baluchonnage”, inspiré par une initiative québécoise, permet un accompagnement 24h/24 pendant plusieurs jours consécutifs de la personne aidée à domicile afin d’accorder à l’aidant un moment de répit. En Ile-de-France, Baluchon France, via ses partenaires Amicial et Auxi’life, a déployé des services de baluchonnage à Paris et dans les départements de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise.


Un répit très théorique

Si la législation consacre le droit au répit des proches aidants, l’accès au répit reste bien souvent virtuel pour de nombreuses familles.
“Pour que les parents d’enfants en situation de handicap aient recours à une solution de répit, il est d’abord nécessaire qu’ils se reconnaissent comme “aidants”. Ils souhaitent avant tout rester des parents et ne se définissent pas comme des aidants. Par ailleurs, la question du répit induit une notion de charge. La famille va faire appel au répit quand elle est épuisée. L’important est avant tout de préserver un équilibre. Attendre d’être au bout du rouleau, c’est déjà un peu tard”, témoigne Laurent Thomas, délégué général de Grandir Ensemble et directeur du Réseau Passerelles.
Céline Dumé, psychologue et coach, insiste elle aussi sur l’importance d’accepter de se donner du temps pour préserver sa santé mentale et pouvoir affronter plus sereinement les périodes les plus difficiles (lire l’article pour découvrir les 5 conseils de Céline Dumé pour se ressourcer au quotidien).
 

Un détournement du rôle premier du répit

Mobilisé auprès des familles ayant un enfant en situation de handicap, le mouvement national Grandir Ensemble recherche et finance des solutions de répit ou de relais de proximité. Il pilote le Réseau Passerelles, qui propose des séjours de répit en famille, combinant une offre de logement adapté et un accueil et un accompagnement de l’enfant en situation de handicap au sein de lieux de vacances “ordinaires”.

Au travers de ces actions, il est en première ligne pour observer les besoins des familles mais aussi les atouts et limites des dispositifs actuels de répit. D’après une étude réalisée entre mars et novembre 2020 auprès de plus de 2 200 familles du réseau Grandir Ensemble sur les solutions de répit, 58 % des demandes de répit ont pour cause une défaillance ou une carence d’accompagnement médico-social ou scolaire : “Ce sont des enfants qui ne sont pas à l’école ou en établissement à temps plein, des parents qui peinent à trouver une place en crèche ou en centre de loisirs en raison du handicap de leur enfant. Il y a une défaillance de l’État et des collectivités qui renforcent les situations d’épuisement des familles, à qui on va ensuite proposer des temps de répit. En réalité, la cause de l’épuisement des familles n’est pas en tant que tel les conséquences du handicap de leur enfant, mais surtout le manque de prise en charge au quotidien”, affirme Laurent Thomas. 
 

Une offre sous-dimensionnée par rapport aux besoins

Par ailleurs, si des initiatives se développent partout en France pour proposer des solutions de répit spécifiquement pensées pour les familles avec un enfant ou un jeune adulte en situation de handicap, elles restent insuffisantes pour répondre à la demande. “Chaque année, quand nous ouvrons les réservations pour les vacances d’été avec le Réseau Passerelles, 80 % des places sont prises en 1 min 30”, indique Laurent Thomas.

Une réalité partagée par Ahmed Zouad, directeur général de l’Apajh de la Somme, qui gère une Unité d’Accueil Temporaire Innovante (UATI) pour la prise en charge d’enfants et adolescents de 6 à 20 ans présentant des troubles du spectre autistique à Belloy-sur-Somme. Cet accueil est ouvert les mercredis, les week-ends et pendant les vacances scolaires, quand les IME sont fermés. “Chaque week-end, nous avons 50 demandes de familles alors que nous ne pouvons accueillir que 8 enfants”, déplore Ahmed Zouad. Signe du manque de solutions adaptées, l’UATI de Belloy-sur-Somme est régulièrement sollicitée par des parents résidant hors de la Somme, jusqu’à l’Ile-de-France. 
 

Les réseaux mobilisés pour faire évoluer le répit

Face aux difficultés rencontrées par les familles, les associations et les fédérations, comme le Grath (Groupe de Réflexion et Réseau pour l'Accueil Temporaire des Personnes en situation de Handicap) ou Grandir ensemble, se mobilisent pour faire évoluer les solutions de répit.
“Nous militons pour que les aidants puissent être accompagnés à domicile dans le cadre du répit. Nous souhaitons également voir émerger un accompagnement conjoint aidant/aidé, afin que les professionnels puissent intervenir auprès de la personne aidée en présence de l’aidant. Enfin, nous sommes mobilisés sur la question de la prise en charge par les collectivités ou les établissements d’accueil du coût de transport. En effet, de nombreux aidants ne peuvent pas prendre en charge le transport de leur proche jusqu’à la solution de répit, ce qui limite leur recours à ce type de relais”, témoigne Ahmed Zouad, également président du Grath, association de professionnels et de parents qui développe les solutions d'accueil temporaire.
 

Un soutien extérieur pour trouver du répit

Pour Laurent Thomas, délégué général de Grandir Ensemble, “le premier besoin de la famille, c’est d’avoir une aide dans la conception du besoin et de la recherche. Trop souvent, les familles doivent elles-mêmes faire le tour de toutes les solutions. Et celles-ci ne sont pas prises en charge par des financements génériques mais une multitude de dispositifs avec, chacun, des critères spécifiques”. C’est en partant de ce constat qu’Urgence Répit, piloté par Grandir Ensemble, a été créé. S'adressant aux parents ayant un enfant de moins de 20 ans en situation de handicap, et bénéficiaires de l'AEEH, cette initiative accompagne les familles dans la recherche, l'agencement et le financement de solutions de relais ou de répit de proximité.

La recherche d’une solution adaptée aux spécificités de l’enfant et abordable financièrement est en effet bien souvent un des premiers freins au répit. Alexandra Coeffe a découvert le répit quand l’une de ses deux filles, autiste, est partie en week-end à Beauval quand elle avait 7 ans. “Ça a été une révélation”, témoigne-t-elle. Depuis, le répit “est devenu vital” pour elle. Inquiète de laisser sa fille qui a besoin d’un accompagnement spécifique, elle a osé sauter le pas grâce à un événement proposé par l’association de parents d’enfants porteurs d’un handicap mental Solidarité Handicapés 92 (SH 92), basée dans les Hauts-de-Seine.
 

Un équilibre à trouver

C’est également via une association de parents, D’un corps à l’autre, que Valérie Benromdan a découvert les séjours de répit et expérimenté des séjours et des week-ends adaptés. Son fils Clément, autiste avec des troubles du comportement, est aujourd’hui interne quatre jours par semaine dans un IME : “Quand on nous a proposé cet établissement après deux ans d’attente, nous en avions besoin, et ma fille aussi. C’était nécessaire. Clément, lui aussi, a trouvé un équilibre. Il est trois à quatre jours par semaine avec nous, du vendredi au lundi, et le reste du temps dans son établissement. C’est un bon équilibre”, témoigne Valérie Benromdan.
Clément s’est bien adapté à cette alternance entre l’IME et la maison et apprécie à la fois de rentrer et de repartir : “Nous passons des moments de meilleure qualité avec lui, par rapport à la situation il y a quelques années. On profite plus quand il est là. Même si, bien sûr, il y a toujours des soucis d’angoisses, de comportement. Mais c’est différent pour lui et pour nous. C’est un bon compromis”, ajoute Valérie Benromdan.

 

Les aides financières au répit

 

Différents dispositifs et organismes permettent de financer du répit pour les aidants : 

  •  La prestation de compensation du handicap (PCH) ou l’allocation d’éducation de l’enfant handicap (AEEH) peuvent permettre de financer des relais à domicile. La PCH permet également de financer des accueils familiaux et des séjours de vacances de répit.
  • Les caisses d’allocations familiales (CAF) financent des dispositifs de répit parental et d’aide et d’accompagnement à domicile (AAD).
  • Les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS ou CIAS) peuvent proposer des aides extra-légales pour le financement de solutions de répit.
  • Les caisses de retraite de base, les caisses complémentaires, les mutuelles ou les complémentaires santé peuvent participer à financer les solutions de répit via des fonds d’action sociale.
  • Un crédit d’impôt de 50% peut être accordé dans le cadre de l’intervention d’une personne à domicile pour relayer l’aidant (baluchonnage, emploi direct d’une aide à domicile).
  • Certaines banques, mutuelles complémentaires et sociétés d’assurances permettent de financer des solutions de répit, des aides à la recherche de solutions ou des séances de soutien psychologique.

Pour en savoir plus : 

Consultez notre fiche pratique dédié aux aides financières au départ en vacances

Les PCPE : un dispositif de prise en charge du répit

 Les Pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE), service d’accompagnement départemental dédié à prévenir les ruptures de parcours, peuvent prendre en charge du répit pour les aidants de personnes en situation de handicap : “Il peut s’agir de toutes formes de répit : des séjours avec des associations de vacances spécialisées, des week-ends, des accueils temporaires, du baluchonnage ou du répit multipartenarial. Par exemple, nous avons eu le cas d’une mère qui a perdu un de ses enfants et devait quitter le territoire français pour rejoindre sa famille. Elle avait besoin d’un accompagnement de son fils autiste, qui a d’importants troubles du comportement. Nous avons fait appel à une association psycho-éducative puis avons comblé tous les “trous” dans l’emploi du temps en assurant une prise en charge par différents établissements tout au long de la semaine et via un week-end de répit“, détaille Marlène Boyer, pilote du PCPE de Seine-Saint-Denis.

Pour aller plus loin

Cyrielle DERGUY ; Emilie CAPPE. Familles et trouble du spectre de l'autisme. Malakoff [France] : Dunod, 2019. 388 p.

BEC Emilie. Du répit pour les personnes en situation de handicap. Revue de la littérature, n°356 du Bulletin du CREAI Bourgogne - Franche-Comté, janvier-février 2017

Ministère des solidarité et de la santé. Besoin de répit : 17 fiches-repère pour vous aider. 2022. 44p.

Les bobos à la ferme ; Groupe SOS.Les dispositifs de répit et leurs financements. 22p.

Podcast Tous pareils ou presque. Demander de l'aide, ça s'apprend ! Episode 18. 2021. 19 min

Alexandra COEFFE ; CRAIF Centre de ressources autisme Ile-de-France. Les loisirs et les vacances pour les personnes autistes. Les vidéos du CRAIF. 3min 46s

D'autres ressources disponibles en lien avec le répit et les aidants sur le catalogue en ligne du CRAIF
Et dans l'ensemble des Centres de ressources autisme sur le site Docautisme